Les fiancés de l’hiver ! [Christelle Dabos]

Auteur : Christelle Dabos

Date de sortie : 2013

Edition : Gallimard (Jeunesse)

Nombre de pages : 519 pages

Genre : Young Adult / Fantasy

Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l’Arche d’Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.

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Gros #coupdecœur pour la rencontre d’Ophélie, une petite animiste à l’air maladif et étourdi, et Thorn, un dragon immense et nerveux. Entre les mystères, les complots, les non-dits, les guerres de clans, les trahisons,.. Impossible de s’ennuyer, que ce soit à Anima ou au Pôle.

« Nous t’accordons une dernière chance. Fais honneur à notre famille, gamine. Si tu échoues à cette tâche, si tu fais échouer ce mariage, je te jure que tu ne poseras jamais plus les pieds sur Anima. »

Dieu a brisé le monde en morceaux. Il existe 21 arches majeures et 186 arches mineures. Chaque esprit de famille a très peu de mémoire. Cette prédisposition à l’oubli est sans doute la contrepartie de leur immortalité. Et ils ont chacun un Livre sur leur arche qui est impossible à déchiffrer et qui semble important.

– Anima est l’arche où les objets prennent vie.  Artémis est l’aînée de tous les Animistes, leur esprit de famille. Sur cette arche, on est tous le cousin de quelqu’un et on ne s’encombre pas de cérémonial.

Je me suis beaucoup reconnue en Ophélie, que ce soit physiquement ou caractériellement. Elle est désuète, solitaire, réservée, très maladroite (à cause d’un accident de miroir) mais elle est aussi forte, courageuse, franche et simple. Elle ne sait pas mentir et elle a un esprit qui lui est propre. Et surtout, elle se voit telle qu’elle est et c’est pas donné à tout le monde. C’est quelqu’un a qui on peut s’identifier très facilement. Ophélie, alias Mime pendant un petit moment, a le don de traverser les miroirs, à petite distance, et celui de liseuse. Elle remonte le passé des objets qu’elle touche sans ses gants. Ses lunettes s’accordent à ses humeurs et sa vieille écharpe tricolore a un sacré caractère. Sur Anima, elle expertisait les antiquités et elle était responsable du musée familial.

« Passer les miroirs, ça demande de s’affronter soi-même. Il faut des tripes, t’sais, pour se regarder droit dans les mirettes, se voir tel qu’on est, plonger dans son propre reflet. Ceux qui se voilent la face, ceux qui se mentent à eux-mêmes, ceux qui se voient mieux qu’ils sont, ils pourront jamais. »

Du côté de sa famille, sa mère a une personnalité envahissante et son père est toujours d’accord avec sa femme. Sa sœur aînée Agathe est coquette et tout son opposée. Quand à Hector, son petit frère, il est attendrissant et proche d’Ophélie. Puis il y a le grand oncle, L’archiviste, qui sait tout rafistoler de ses mains et qui a appris tout ce qu’il sait à Ophélie. Sans oublier la tante Roseline, qui est également la marraine de notre héroïne, ce qui la désigne d’office comme son chaperon au Pôle jusqu’au mariage de sa filleule. Sur Anima, Roseline travaillait dans la restauration du papier. Sa façon de remettre les gens à leur place m’a bien fait rire.

– Le Pôle a très mauvaise réputation. Il y flotte dans l’air une hiérarchie inviolable. Leur esprit de famille, Farouk, est aussi capricieux et apathique qu’imprévisible. Il a deux obsessions : son plaisir et son Livre. Ce que l’esprit de famille approuve, toute la cour l’approuve. Trois clans gravitent à la cour. Le clan des Dragons est puissant et redouté mais petit par le nombre. Ils peuvent faire mal et torturer à distance. Puis il y a le clan des Mirages et celui de la Toile. Nous découvrons la Citacielle, là où vit tante Berenilde, ainsi que le Clairdelune, qui est le domaine d’Archibald et un asile diplomatique. On y conspire, on y médit, on y menace, mais on n’y assassine pas. Cependant, il y arrive des accidents inexpliqués. C’est un lieu où personne ne fait confiance à personne.

« Vous devez penser que je vous jette dans la fosse aux lions avec une belle insouciance. Je vous le montre mal, mais votre sort est une réelle préoccupation pour moi. Si la moindre offense vient à vous être faite dans mon dos, ça se payera au prix fort. »

Thorn peut se montrer grossier, dédaigneux, taciturne et aussi chaleureux qu’un Iceberg. Mais sous ses airs hautains, il est attentif et c’est un homme de devoir. Il se réfugie derrière sa montre à gousset chaque fois qu’une situation échappe à son contrôle. Il est sérieux et tout le temps affairé. Thorn est le surintendant du seigneur Farouk, le principal administrateur des finances de la Citacielle et de toutes les provinces du Pôle. En gros, il est le plus grand comptable du royaume. Il est donc très peu disponible et il a une excellente mémoire, qu’il a hérité du clan de sa mère, les Chroniqueurs. Aux yeux de tous, il reste de marbre en toutes circonstances mais il réfléchit beaucoup et très vite. Thorn est un bâtard, l’enfant illégitime de deux familles. Son père a commis l’adultère avec la femme d’un autre clan. Sa tante Berenilde l’a sauvé de la déchéance.

Berenilde aime Thorn comme son fils. Elle peut être sévère, jalouse, capricieuse, narcissique, calculatrice et épuisante à satisfaire. Ses sautes d’humeur sont imprévisibles. Mais elle essaie tout simplement de survivre, après avoir perdu tous ses enfants. Berenilde est enceinte de Farouk et elle est consciente de l’emprise qu’elle a sur lui. Quant à la grand-mère, Catherine, elle cache bien son jeu. Elle semble être une alliée précieuse pour Ophélie mais en réalité, elle la déteste. Le reste de leur famille est d’une susceptibilité extrêmement chatouilleuse et ils sont tout simplement exécrables.

L’ambassadeur Archibald est le bras droit de Farouk et il est d’une franchise déconcertante. Il ne ment jamais. Il peut être mélancolique, désinvolte, provocateur mais il est très protecteur envers ses sept sœurs : Patience, Mélodie, Grâce, Clairemonde, Gaîté, Friande et la plus jeune, Douce. Lui et sa famille sont tous connectés entre eux. On les appelle « la Toile. » Archibald peut aussi superposer ses pensées aux autres. Renold, alias Renard, est le valet de la grand-mère d’Archibald, Clotilde. Cela fait 23 ans qu’il travaille au Clairdelune et il devient rapidement le premier véritable allié d’Ophélie. Il lui a prouvé qu’elle pouvait lui faire confiance. Gaëlle est la mécanicienne de la Mère Hildegarde, l’architecte du Clairdelune. C’est la dernière survivante de son clan, les Nihilistes et elle déteste les injustices. Gaëlle a le don de supprimer toutes les illusions qu’elle reluque. Son monocle l’empêche de se faire repérer. La mère Hildegarde vient d’une arche lointaine et peu connue, Arc-en-Terre, où les gens jouent avec la spatialité. Elle a peut-être des manières qui ne plaisent pas à tout le monde mais au moins elle bouscule les conventions de ce monde sclérosé. Le jeune chevalier est un illusionniste redoutable alors qu’il n’a que 10 ans. Sa première maman est morte. Mme Berenilde est extrêmement importante pour lui et il est très possessif en ce qui la concerne.

« Grâce à votre aptitude à passer les miroirs, vous pourrez me rendre compte de la situation au Clairdelune. Et puis, je crois que je suis en train de m’habituer à vous. »

Ce sont les Doyennes qui ont fiancé Ophélie à Thorn. Mais c’est bien plus compliqué que ça.. Ophélie est instrumentalisée pour son pouvoir de liseuse.. Lorsqu’ils seront mariés, les pouvoirs d’Ophélie et Thorn seront jumelés. Elle lui fera don de son animisme et lui de ses coups de griffes. Aucun des deux n’est bavard et l’entente n’est vraiment pas immédiate mais ils apprennent à se connaître, à se comprendre, à se faire confiance.. Seulement Ophélie aspire juste à des rapports cordiaux et dépassionnés. Surtout que c’est compliqué de savoir ce que Thorn ressent. Il exprime ses sentiments d’une façon un peu rude mais toujours sincère. Ce qui devait être un mariage de convenance, pourrait se transformer en historiette sentimentale. Ou pas puisqu’ Ophélie se sent incapable de l’aimer. D’ailleurs, je l’ai trouvé un peu dure avec lui.

La plume de Christelle Dabos me fait penser à celle de J. K. Rowling. Oui, à ce point là. Les chapitres ont tous un nom et le récit est divisé en deux parties. Elle nous a crée un univers complexe, superbement bien ficelé, où les descriptions sont longues mais essentielles, où l’intrigue nous happe du début à la fin du récit, où on est impatient de connaître la suite et où les personnages sont très bien construits. J’ai hâte d’en savoir plus sur Thorn, pourquoi il regarde constamment sa montre, si Renard et Gaëlle vont se rapprocher, ce qu’il est arrivé à Adélaïde après son entretien avec le notaire du seigneur Farouk,..

« Tant qu’Ophélie aurait des scrupules, tant qu’elle agirait en accord avec sa conscience, tant qu’elle serait capable de faire face à son reflet chaque matin, elle n’appartiendrait à personne d’autre qu’elle-même. »

En bref, Les fiancés de l’hiver est un coup de cœur. J’ai vraiment adoré Ophélie, ainsi que sa relation avec la tante Roseline, j’ai hâte d’apprendre à connaître un peu plus Thorn, j’ai bien aimé Renard, Gaëlle,.. Vivement ma lecture du second tome.